Conférence U3P : projet IKAROS – 2011

23 mars 2011
CONFÉRENCE U3P
IKAROS : Le premier voilier interplanétaire

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Conférence IKAROS - affiche_petitEn 2010, une équipe japonaise de l’ISAS/JAXA déployait en direction de la planète Vénus le voilier voile solaire IKAROS, qui utilise pour naviguer les ressources du Soleil : la gravitation et le rayonnement de sa lumière. Le 23 mars 2011 au Palais de la Découverte, l’U3P avait l’honneur d’accueilir le professeur Junichiro Kawaguchi, architecte du projet IKAROS.

Lancée en même temps que la sonde Atsuki, le voilier IKAROS est la première voile solaire opérationnelle dans l’histoire de la conquête de l’espace, démontrant de manière innovante la possibilité de naviguer à la voile dans le Système Solaire.

IKAROS est une voile de forme carrée de 20 mètres de diagonale fabriquée avec un film polyimide de seulement 7,5 micromètres d’épaisseur. Des cellules solaires minces couvrent 10 % de sa superficie pour fournir l’énergie de bord, et des portions de la voile sont couvertes de cristaux liquides pour générer une poussée variable et contrôler l’orientation de la voile par rapport au Soleil. Au centre de la voile se trouve une capsule d’un mètre de diamètre qui contient tous les autres composants du satellite, notamment l’électronique de commande. Le voilier IKAROS a une masse totale 315 kg dont 15 kg pour la voile elle-même.

Pour célébrer cet exploit historique, le Professeur Junichiro Kawaguchi, de l’agence spatiale japonaise ISAS/JAXA animait le 23 mars 2011 au Palais de la Découverte une conférence organisée par l’Union pour la Promotion de la Propulsion Photonique (U3P) et Universcience, l’établissement public de la Cité des Sciences et de l’Industrie et le Palais de la Découverte.

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Enregistrement de la conférence

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Petit Ikaros

 


 

Retranscription de la conférence sur le projet Ikaros

Olivier BOISARD, Président de l’U3P :

Bonsoir Professeur Junichiro KAWAGUCHI, merci de nous faire l’honneur d’être parmi nous pour cette conférence, bonsoir Mesdames, Messieurs.

Je vais très brièvement introduire cette rencontre dédiée au beau projet IKAROS mais, pour commencer, je voulais vraiment exprimer toute l’émotion qu’a ressenti l’U3P ces derniers jours en pensant au Japon et simplement, très sobrement, lire un petit communiqué au nom de notre association l’U3P :

 » Alors que nous nous préparions dans la joie à cette conférence qui nous réunit ce soir, dans ce lieu magique qu’est le Palais de la Découverte, c’est avec une grande émotion que nous avons appris la terrible catastrophe qui a frappé le Japon.
Au nom de l’U3P, de toutes et de tous, nous tenons à exprimer notre sympathie la plus profonde à tous nos amis japonais dont le courage et la dignité, face à l’adversité, forcent notre admiration.

Nous leur dédions, comme il se doit, cette soirée qui rend hommage à leur talent, à leur ingéniosité, notamment à travers le succès du « projet IKAROS ».

Olivier Boisard

Quelques mots d’abord sur le contexte pour planter le décor des voiliers solaires et des voiles solaires en général.

L’histoire est faite d’aléas, d’adversité hélas parfois, mais également d’idées lumineuses qui font leur chemin à travers les siècles, et s’agissant de l’histoire des voiles solaires, cette histoire remonte au moins au 17ème siècle, lorsque l’astronome KEPLER, observant la queue des comètes et leur l’orientation toujours à l’opposé de la direction du soleil, a formulé pour la première fois l’hypothèse de l’existence d’une pression photonique.

On peut n’y voir qu’une image, et sans doute ce n’est qu’une image, mais il est amusant de noter que dans un courrier que KEPLER adressait à Galilée en 1610, il évoquait lui-même l’hypothèse pour l’homme un jour de voyager dans le système solaire, je cite : « poussé par des navires et des voiliers profitant des brises célestes ».

Je vous passe de nombreux épisodes et tous les travaux qui ont été faits. Évidemment, je dois citer cette étape importante de la fin du 19ème siècle avec les travaux de MAXWELL sur l’électromagnétisme qui faisait rentrer les voiles solaires dans le domaine des projets réalisables en démontrant effectivement l’existence de la pression photonique

Le concept de voile solaire s’est rapidement développé durant le 20ème siècle. Là encore, je ne fais que planter le décor et je ne citerai pas tous les grands noms : TSIOLKOVSKI, Friedrich SANDER, etc… De nombreux scientifiques, ingénieurs ont imaginé, développé et enrichi l’idée des voiles solaires. Tous ces scientifiques, tous ces créateurs, ont développé cette grande histoire tout au long du 20ème siècle.

Je citerai également quelques auteurs de fiction, de science-fiction. Je pense en particulier à Arthur C. Clarke, que tout le monde connaît ici au Palais de la Découverte, et qui, au début des années 60, dans une nouvelle intitulée « the winds of the sun » imaginait une course de voiliers solaires de la Terre à la Lune, une idée qui nous est particulièrement chère à l’U3P, puisqu’elle est fondatrice de notre association.

Ces dernières années, nous avons suivi avec passion l’arrivée dans l’espace réel de tous ces projets de voiliers solaires qui ont tenté de voir le jour depuis plusieurs décennies. Parfois ils ont été très proches d’aboutir. Ils ont démontré une chose : c’est que derrière la simplicité apparente d’une voile solaire, se cache dans son processus de conception un véritable challenge technologique.

Le succès d’IKAROS, et la façon dont l’équipe IKAROS a brillamment relevé le défi en lançant l’année passée ce voilier qui tourne à l’heure actuelle autour de la Terre sont une sorte d’aboutissement de cette histoire que j’ai évoquée très succinctement, et qui dure depuis quatre siècles. On peut souhaiter que ce soit également un commencement, et penser à la possibilité de développer de nombreux autres projets, et récemment d’ailleurs, une autre petite voile a déjà été lancée.

Pour conclure et avant de passer la parole au Professeur Junichiro KAWAGUCHI je voudrais laisser à Frédéric BOUSQUET le soin de donner une couleur particulière à cette soirée avec sa musique originale réalisée avec un instrument de cristal. Je lui laisse la parole en musique, pour peindre le décor de l’espace et des voiles solaires.

Merci.

Frédéric BOUSQUET, Structures Sonores :

Voila donc ce cristal qu’on a appelé IKAROS parce qu’il utilise la forme, avec ses pliures. C’est un instrument de musique, mais d’abord une sculpture sonore donc je vais vous présenter les sons, obtenus grâce au pliage. Évidemment, ç’est destiné à M. le Professeur KAWAGUCHI. Merci à tous d’être venus.

[ MUSIQUE ]

Olivier BOISARD

Je vais laisser la parole à Guy PIGNOLET et Adaõ DELEHELLE pour la suite.

Guy PIGNOLET, Fondateur et Président d’Honneur de l’U3P :

Cher amis

« Chers amis », parce que ici, dans cette salle, je ne vois pas des messieurs et des dames, je ne vois pas des nations, je vois simplement des êtres humains motivés, habitants d’un pays bleu, unique, en rotation autour de l’étoile Soleil.

Mes amis, nous sommes ici pour célébrer dans la langue de Cyrano de BERGERAC, de Jules VERNE et de PREVERT, un évènement extraordinaire qui vient de se dérouler il y a tout juste quelques mois. Après la sublime invitation à l’envol que vient de créer pour nous Frédéric BOUSQUET sur son étonnante structure sonore en forme de voile, je vous laisse regarder le film de cette aventure.

Adao DELEHELLE, Secrétaire de l’U3P :

Le film qui vous est proposé a été réalisé par JAXA/ISAS, qui est l’équivalent de notre CNES en France. A l’origine, le film est en japonais, nous en avons fait un doublage, le script a été traduit par Takako OGIMOTO et Guy PIGNOLET.

Guy PIGNOLET :

Et c’est à Adão que nous devons le montage de cette magnifique version française de l’aventure photonique du premier voilier interplanétaire, IKAROS.

[ FILM – Doublé en français par Adão et Alix DELEHELLE ]

« Ce yacht vogue librement sur le vaste océan avec ses voiles gonflées par le vent. Voilà d’ou vient l’idée d’un voilier spatial qui navigue avec la pression des photons. IKAROS est un yacht de l’espace, un voilier solaire.

L’idée des voiles solaires remonte à plus d’un siècle. Mais pour la réalisation pratique, le principal obstacle était une technologie insuffisante dans le domaine des matériaux assez fins et assez solides pour fabriquer les voiles.

La solution est arrivée avec l’invention des films polyimides qui peuvent résister à la chaleur et aux rayonnements de l’espace. Le matériau est aussi utilisé pour l’isolation thermique et des satellites.

Pour IKAROS il a fallu aussi résoudre les problèmes du déploiement et de l’orientation de la voile. Un prototype a été développé pour surmonter les défis techniques. La fabrication d’IKAROS s’est terminée par des tests de déploiement et des essais systèmes de vibration, de vide et de thermique.

IKAROS a été lancé avec succès en mai 2010 depuis le Centre Spatial Japonais de TANEGASHIMA. La mission était double : valider la propulsion solaire et valider la navigation électrique.

La voile carrée d’IKAROS fait 14 mètres de côté et 20 mètres de diagonale. L’objectif principal après le lancement était de vérifier le processus de déploiement de la grande voile solaire. Un autre objectif était de tester la production d’électricité dans l’espace par les panneaux solaires en couches minces. La réalisation des deux objectifs s’est faite en quelques semaines et a validé les objectifs primaires du projet.

Ensuite, pendant les six mois qui ont suivi, la démonstration effective des capacités d’accélération et de navigation a conduit au succès complet de la mission.

IKAROS possède une voile, mais elle n’est pas comme celle d’un voilier ordinaire. La voile d’IKAROS est une voile solaire électrique. Elle est faite d’un film polyimide de 7,5 microns d’épaisseur, aluminisé par vaporisation, et recouverte en partie de cellules solaires ultra-minces. Elle est équipée de différents systèmes pour mesurer et contrôler l’attitude.

Des plaques avec des messages et des noms recueillis pendant une campagne de soutien à IKAROS étaient placées au quatre coins de la voile pour l’aider à se déployer par la force centrifuge.

Le cylindre central fait 160 cm de diamètre et 80 cm de haut. La face supérieure est recouverte de cellules solaires et porte des antennes de communication. Le système de déploiement de la voile est placé sur les flancs du cylindre, avec les moteurs d’aide au déploiement et les actuateurs du système d’orientation. La surface inférieure est un radiateur. Elle porte également des antennes de communication et un DVD avec des messages d’associations et de nombreuses écoles.

Nous allons maintenant voir comment IKAROS a déployé sa voile et comment il fonctionne.

Le voilier IKAROS a été placé dans la fusée dans un adaptateur spécial supportant le satellite principal, la sonde vénusienne AKATUSKI.

Après le lancement depuis TANEGASHIMA, la fusée H2A a injecté le satellite AKATSUKI sur son orbite de transfert vers Vénus. H2A s’est alors écartée temporairement pour que la coiffe ne risque pas de percuter AKATSUKI pendant son largage, puis la fusée et IKAROS se sont mis en rotation.

La séparation d’IKAROS s’est faite quand la vitesse de rotation a atteint 5 tours / minute. IKAROS a mis en marche ses systèmes juste avant la séparation.

Un peu plus tard, IKAROS a mis en oeuvre ses moyens de communications radio. IKAROS est resté en attente jusqu’à ce que la communication avec la Terre soit établie, tout en ajustant sa température avec une chaufferette. Une fois le lien radio établi, le déploiement de la voile a commencé.

Voilà comment IKAROS a déployé ses voiles :

IKAROS a détaché quatre cubes de son corps central, puis attendu que la vibration des cubes s’atténue. Ensuite, des jets de gaz ont accéléré la rotation pour augmenter la force centrifuge.

La première phase du déploiement a démarré quand la vitesse a atteint 25 tours /minute. Cette phase a commencé par la libération des voiles. Les moteurs ont aidé les voiles qui étaient repliées contre le flanc à sortir pour former une croix. Ce processus a été filmé par 4 caméras de contrôle fixées sur IKAROS. Chaque caméra a un champ de vision de plus de 90°de large, ce qui permet une vision à 360° sur la totalité du satellite.

Après cette première phase, le satellite a attendu l’arrêt des vibrations. Finalement, la voile s’est complètement déployée pour prendre sa forme carrée en libérant les attaches qui la retenaient. Le processus final n’a pris que quelques secondes. Il a également été observé par les caméras.

Cette dernière phase a entraîné beaucoup de vibrations, parce que la libération de la voile et son déploiement se sont faits d’un seul coup. Quand les vibrations ont diminué, la force centrifuge a donné à la voile sa forme carrée finale.

Après le déploiement, une caméra s’est détachée d’IKAROS pour prendre des images de la voile dans sa totalité. La force centrifuge s’appliquait aussi à la caméra qui est partie un peu sur le côté, mais comme elle avait un grand champ, elle a pu prendre des images d’IKAROS dans sa totalité.

Après le déploiement, IKAROS a vérifié les capacités de production d’électricité des cellules solaires minces fixées sur la voile.

Toutes ces expériences ont été effectuées au cours des premières semaines qui ont suivi le lancement, et elles ont confirmé le succès fondamental du projet IKAROS.

On dit qu’IKAROS est un voilier solaire parce qu’il navigue grâce à la pression de la lumière, générée par la réflexion des rayons du soleil sur la surface de la voile.

Le voilier IKAROS peut agir sur sa vitesse en variant son angle au soleil. S’il accélère, il s’éloigne du soleil. Au contraire, s’il ralentit, il se rapproche du soleil. C’est ainsi qu’IKAROS contrôle sa trajectoire, en changeant son orientation par rapport au soleil.

Le contrôle de l’attitude est essentiel pour transformer la pression solaire en une force de propulsion utilisable. IKAROS change l’attitude de son corps central au moyen de jets de gaz. Progressivement, la voile modifie son orientation pour suivre le corps central. C’est un processus très lent, parce que la voile est bien plus grande que le corps central.

IKAROS dispose d’un autre moyen pour changer d’orientation: un système à cristaux liquides situé sur les bords de la voile. Ce système n’a besoin pour fonctionner que de la lumière du soleil. Les cristaux liquides modifient leur réflectivité, un peu comme les verres fumés. Les différences de réflectivité permettent à IKAROS de modifier son attitude.

L’expérience a duré pendant six mois, jusqu’au succès complet du projet IKAROS.

IKAROS est équipé non seulement des systèmes dont il a besoin pour sa navigation, mais il porte aussi des équipements pour des expériences scientifiques et technologiques. Il y a un détecteur polarisé pour les rayons gamma sur la partie inférieure du corps central. Sur la voile elle-même il y a un détecteur de poussières spatiales pour en mesurer la distribution dans l’espace interplanétaire. En outre, une expérience d’interférométrie à très grande base a permis de suivre la navigation d’IKAROS avec une grande précision en comparant la réception de ses ondes radio sur plusieurs récepteurs répartis sur la Terre.

IKAROS est un petit prototype de voilier solaire. Avec IKAROS, nous avons réalisé notre rêve de naviguer dans l’espace sur les rayons du soleil. Son succès nous encourage à innover vers des systèmes de navigation hybrides combinant des voiles solaires et des propulseurs ioniques à haute performance. »

Guy PIGNOLET :

Il y a 50 ans, les voiles solaires étaient de la science-fiction. Il y a 30 ans en Californie, en Europe, au Japon, nous avons fondé les premiers groupes en vue d’une réalisation et on nous disait que c’était une utopie. Il y a 15 années le concept a fini par être accepté et alors on nous demandait quand il deviendrait une réalité, quand donc un voilier solaire allait-il voyager dans l’espace interplanétaire, poussé par les rayons du soleil ? Pendant des années nous en avons rêvé. Junichiro KAWAGUCHI l’a fait.

IKAROS, bien évidemment, est l’oeuvre de toute une équipe, et pour donner à cette équipe les éclairages qui conduisent au succès, il fallait un inventeur lumineux, cet homme c’est le Professeur Junichiro KAWAGUCHI, qui est avec nous et que nous pouvons accueillir chaleureusement par des applaudissements mérités. Et à travers lui on peut applaudir aussi tous ceux qui ont contribué à ce magnifique projet.

Professeur Junichiro KAWAGUCHI je vous donne la parole, pour que vous puissiez nous dire à votre manière la magnifique, l’extraordinaire aventure du premier voilier solaire interplanétaire IKAROS.

Le Professeur KAWAGUCHI va parler en anglais et je vais simultanément essayer de traduire en français ce qu’il nous dit.

Exposé du Professeur Junichiro KAWAGUCHI :

De l’Agence Spatiale JAXA/ISAS

Conférence IKAROS - Tous les conférenciers

Bonsoir à tous,

Permettez-moi de remercier l’U3P, UNIVERSCIENCES et le Palais de la Découverte. C’est grâce à eux que je peux être ici ce soir pour faire cette présentation. Je vais vous dire comment IKAROS a volé, et de quoi il s’agissait.

Du rayonnement du soleil provient une force, découverte au 17ème siècle, grâce à l’observation du fait que la queue des comètes se dirige à l’opposé de la direction du soleil, prouvant que la lumière du soleil produit une force. C’est depuis cette période que l’on sait qu’on peut utiliser la force de la lumière.

En 1991, le Japon et l’U3P ont fait des études intensives pour construire des vaisseaux solaires qui devaient voler jusque derrière la Lune pour célébrer le 500ème anniversaire du voyage de Christophe COLLOMB vers l’ Amérique. En 1993, les Russes ont lancé, une voile solaire appelée ZNAMYA dont ils ont pu déployer la membrane avec succès. Et en 2004, notre organisation a aussi fait un essai de déploiement en forme de pétales solaires à partir d’une fusée-sonde, ce fut un grand succès.

En 2007, il y a un peu plus de 3 ans, la JAXA a autorisé le projet IKAROS, qui a été lancé comme passager auxiliaire, à côté de la charge utile principale qui était la sonde AKATSUKI. C’est donc un projet qui a du se développer en 3 ans seulement.

IKAROS à été fait pour remplacer un simple lest, qui devait ajuster la masse de la charge utile au moment du lancement d’AKATSUKI. Le voilier IKAROS a été construit en utilisant autant que possible du matériel déjà existant, et donc son développement a pu se faire avec environ 15 millions d’euros seulement, ce qui dans le domaine spatial représente un assez faible coût.

IKAROS a été conçu avec une forme carrée, qui déployée, fait 14 mètres de côté. Il a été lancé le 21 mai 2010 selon l’heure japonaise ou le 20 mai selon l’heure française. C’est une sorte de cerf-volant spatial. L’acronyme signifie « Interplanetary Kite-craft Accelerated by Radiation Of the Sun » c’est-à-dire « cerf-volant accéléré par la pression de la radiation du Soleil ».

Le film de la voile a été plié et enroulé autour du corps central qui fait 160 cm de diamètre pour 80 cm de hauteur. Sur les schémas, on voit tout ce qu’il y a sur la membrane principale : les parties en bleu sont des prototypes de cellules solaires sur film ultra-mince et les parties jaunes correspondent à des cristaux liquides, et dont la réflectance change selon qu’on envoie le courant ou pas.

Il y a aussi d’autres instruments à bord : l’un est un compteur de poussière, et l’ autre est un instrument pour mesurer les rayons gamma.

La masse totale est un peu plus de 300 kg, dont 15 kg pour la voile elle-même..

Maintenant, je vais vous expliquer comment la membrane voile a été déployée.

D’abord, après la séparation du véhicule lanceur, on augmente la vitesse de rotation, puis on libère les petites plaques qui sont attachées à l’extrémité des secteurs de la voile ; la libération et le déploiement font que la vitesse de rotation ralentit à 2 tours/mn seulement.

Voilà pour la première étape du déploiement.

Après cela, on ré-accélère la vitesse de rotation jusqu’à 25 tours/mn. La membrane est extraite progressivement, et au fur et à mesure qu’elle se déploie, la vitesse de rotation diminue tout au long de la première partie du déploiement. Finalement, l’engin prend la forme d’une sorte de croix, avec une vitesse de rotation qui tombe à 5 tours/mn.

A partir de là, on entre dans la deuxième phase du déploiement.

Les butées qui ont permis le déroulement régulier de la croix qui sont dégagées, c’est la force centrifuge qui termine le déploiement de voile et la vitesse de rotation descend à 2,5 tours/mn. Cela se passe extrêmement rapidement, pratiquement instantanément.

Une photo a été prise par la caméra qui s’est détachée du corps central. Habituellement on ne peut pas prendre ce genre de photo des engins spatiaux, mais dans la conception du véhicule il y avait deux caméras détachables, elles ont été en quelque sorte tirées depuis le corps central , qui a relayé les images par les caméras. Cela nous a permis de voir la forme de la voile complètement déployée. C’est une photo qui est très, très impressionnante, elle montre sans ambiguïté que la voile s’est complètement déployée.

Voici maintenant comment les cristaux liquides fonctionnent :

La réflectance augmente quand on fait passer le courant dans les cristaux liquides. Cette différence de réflectance est à l’origine d’un couple qui fait basculer la voile, et même si ce couple est très faible, progressivement la voile modifie son attitude, et cela permet de piloter, de diriger la voile et de changer sa trajectoire.

Junichiro Kawaguichi

Reprenons la mission IKAROS :

Les premières semaines, il y a eu la phase initiale de la mission, qui a été qualifiée de premier succès, et les six mois suivants nous sommes passés à la mission nominale. Le critère minimal de succès était de déployer la voile. Le reste de la mission c’était de démontrer les capacités de pilotage et de navigation en terme de trajectoire pour voir avec quelle précision on peut piloter le vaisseau en direction de VENUS.

Nous avons pu prendre une image depuis le voilier, nous avons photographié VENUS.

L’image originale, dont une version a été publiée sur internet, n’est pas compensée en termes de distorsion, mais ensuite on a fait des compensations de luminosité.

Il y avait aussi 3 instruments : G4 un instrument pour mesurer le rayonnement gamma, ALADIN c’est pour compter les impacts de poussières cosmiques dans l’espace interplanétaire, et le troisième est simplement un oscillateur, pour une expérience technologique de localisation par interférométrie, une méthode pratique qui peut être utilisée à l’avenir.

Dans le futur, nous pourrons réaliser des voiliers solaires à propulsion hybride combinant la propulsion photonique et la propulsion ionique. Notre prochaine destination c’est JUPITER et ses satellites troyens. On va essayer de faire un rendez-vous avec un troyen, en utilisant des moteurs ioniques pour l’approche finale.

APPLAUDISSEMENTS

QUESTIONS/REPONSES

après l’exposé sur IKAROS

par le Professeur Junichiro KAWAGUCHI (JAXA/ISAS)

et

CONCLUSION de la CONFERENCE :

Guy PIGNOLET :

Nous pouvons commencer les interventions du public si vous avez des questions, nous avons environ une demi-heure devant nous pour ces échanges et les compléments que pourra nous apporter le Professeur Junichiro KAWAGUCHI, la parole est à vous.

QUESTIONS DU PUBLIC :

Q – Je me posais la question en effet sur les impacts si possible avec des corps célestes, et dans quelle mesure ces impacts pourraient déchirer toute la voile.

JK – Il y a eu des essais d’envoyer des particules contre la voile pour vérifier si elle gardait sa forme et si elle résistait. Il peut y avoir des petits trous mais dans son ensemble le film tient bon.

Q – J’aurai deux questions, la première : avec quelle accélération la propulsion solaire a-t-elle permis de se rapprocher de VENUS ? et la deuxième : à quelle distance du soleil ce système est-il efficace ?

JK – L’accélération très faible, la pression n’est que d’un ou deux milli-newtons, quand on se rapproche du soleil l’accélération est plus forte. L’avantage est que l’on n’utilise aucun carburant mais même si l’accélération est faible elle continue perpétuellement, et pour compenser la faiblesse de la poussée quand on s’éloigne on peut utiliser aussi des propulseurs ioniques.

Q – Professeur, pourriez-vous confirmer que vous êtes capable de contrôler l’attitude de la voile simplement en utilisant les cristaux liquides, et que pour contrôler la rotation vous ne pouvez pas utiliser les cristaux liquides, qu’il vous faut continuer à utiliser les gaz si je ne me trompe pas ?

JK – Il y a des détails qui sont très techniques et qui intéressent les ingénieurs qui travaillaient dessus mais que nous n’avons pas mis dans la présentation. L’attitude, c’est une évolution d’un degré par jour. Dans le programme futur, il y aura aussi le contrôle de la rotation par les cristaux liquides et ce sera la seule méthode utilisée avec des petits effets de moulin à vent. Pour le moment, la durée de fonctionnement c’est tant qu’il y a du gaz disponible pour faire la régulation, mais on est déjà en train de réfléchir à la manière de contrôler totalement le voilier uniquement en se servant des cristaux liquides.

Sur les images on voit quels sont les cristaux liquides qui sont allumés et ceux qui ne sont pas en marche. Selon la position ON ou OFF on a un effet réfléchi ou un effet de diffusion. La réflexion diffuse, on la voit lumineuse, parce qu’on peut voir la lumière réfléchie dans n’importe quelle direction, tandis que si c’est en position ON et qu’on a donc une réflexion spéculaire, à ce moment là, on voit la lumière réfléchie seulement dans une direction bien déterminée. Donc on peut en regardant les panneaux des cristaux liquides, voir ceux qui sont ON et ceux qui sont OFF, c’est bien ce qu’on attendait et çà montre que le système à cristaux liquides a très bien fonctionné.

Q – Où sont les caméras ?

JK – Voila les endroits, avec le cercle rouge pour montrer que la caméra est détachable et à droite il y a deux caméras qui sont fixes ; il y a 4 caméras qui sont installées de manière fixe sur l’engin et c’est avec des cercles bleus sur les images..

Q – Il semble que la masse du noyau soit relativement élevée, est-ce que c’est du à l’utilisation ou la réutilisation de composants où est-ce que c’était pour d’autres raisons ?

JK – Oui c’est lourd, presque 300 kg, ce n’est pas léger du tout. Si on veut vraiment fabriquer un voilier pour les vols interplanétaires il ne faut pas dépasser quelques dizaines de kilogrammes. Mais c’était obligatoire que l’on ait une masse de 300 kg pour la question du lest pour équilibrer le lancement d’AKATSUKI, et nous ne pouvions pas réduire cette masse. Ce n’était pas un vol pour faire des hautes performances, c’était un vol de test pour voir si ça fonctionnait.

Q – Est-ce que maintenant, vous sauriez faire une voile beaucoup plus grande ?

JK – Nous espérons faire une voile solaire électrique, de 50 mètres, avec 2000 mètres carrés de surface..

Q – Bonjour, j’aurais aimé savoir si il est possible de coupler le concept de voile solaire au concept de voile magnétique au sein d’une seule et même voile ?

JK – Ce sont des choses totalement différentes. La voile magnétique, c’est si on a un champ magnétique important qui est généré, qu’on est dans le vent solaire, qui est fait de protons et de neutrons, et donc on aura une force qui sera appliquée à l’engin, c’est un effet prévu par MAXWELL. Pour que ça marche, il faut un champ magnétique très important, il faut une production de plasma depuis l’engin, avec une expansion, une inflation magnétique, personnellement je ne suis pas très sûr que soit techniquement réalisable pour le moment, mais je ne pourrais pas le garantir. Il y a aussi le fait de la rotation qui crée une tension sur la voile et dans une voile à inflation par gonflement magnétique, c’est une question de savoir si avec les effets magnétiques on peut maintenir la tension de la voile ou pas. Il y a des prédictions théoriques,mais il faudrait faire aussi des essais dans l’espace.

Q – Pouvez vous nous expliquer comment piloter la voile grâce aux cristaux liquides, et pourriez-vous aussi expliquer comment mesurer avec précision l’attitude de la voile ?

JK – Le vaisseau interplanétaire IKAROS comporte des senseurs solaires qui mesurent l’angle du soleil et des senseurs stellaires qui détectent la position des étoiles par rapport à la voile. En général la combinaison des senseurs solaires et des senseurs stellaires permet de déterminer l’attitude de la voile. On utilise aussi des senseurs radio. Le vaisseau est en rotation et l’antenne est en position dissymétrique. Pendant que le vaisseau tourne ; il y a des effets Doppler sinusoïdaux caractéristiques sur les récepteurs qui nous indiquent quel est l’angle entre l’axe de rotation et la direction de la Terre.

Q – au moment du déploiement, il y a de grandes vibrations qui se produisent. Est ce que vous avez eu besoin de mettre des amortisseurs ?

JK – Nous n’avons pas d’amortisseurs spécifiques à bord. En effet, c’est la friction entre entre les éléments de la voile qui amortit les vibrations, on n’a pas eu de problèmes.

Q – Deux ans et demi de développement, c’est très court?

JK – Deux ans et demi c’est une période assez courte oui. Mais c’est une occasion et une chance relativement uniques que nous avons eues. Là où on a passé le plus de temps c’est à chercher comment on allait lancer la voile. Sans être cynique ni sarcastique, tant qu’il n’y avait pas de crédibilité sur le comportement des voiles solaires, les agences spatiales n’étaient pas prêtes à en lancer. Là, nous avons eu la chance que la charge utile principale avait besoin d’un lest, qui pouvait être n’importe quoi, du moment que cela faisait à peu près 280 kg. Donc ils nous ont donné une opportunité et nous avons saisi cette chance. Ce qui a été un grand challenge c’est que quand on a eu l’accord, la période qu’on nous a donnée pour le développement était très courte.

Q – L’équipe a été constituée très rapidement, quel est maintenant son avenir ?

C’est une équipe de jeunes ingénieurs qui a rejoint la JAXA après le lancement de la mission HAYABUSA dont je me suis aussi occupé. IKAROS était pour eux l’occasion de s’entraîner au fonctionnement et au développement d’un engin spatial. Ils ont accumulé de l’expérience et appris toute la discipline qu’il faut mettre dans ce travail. Le chef de projet a 35 ans.

Q – Et maintenant quels projets pour le futur ?

JK – Le projet IKAROS va s’arrêter de fonctionner au milieu de l’année prochaine quand les réserves de gaz seront épuisées. Mais on pense qu’on a déjà tiré l’essentiel de cette mission en faisant la démonstration du survol de VENUS. Pour le reste de la mission, on va considérablement diminuer la vitesse de rotation, histoire de voir ce qui va se passer

APPLAUDISSEMENTS

Guy PIGNOLET, Fondateur et Président d’Honneur de l’U3P :

Merci, Professeur Junichiro KAWAGUCHI pour cette présentation, à la fin de laquelle nous avons appris, mais çà c’est une autre histoire, que vous êtes aussi l’homme qui, pour la première fois, a envoyé et posé un engin sur l’astéroïde ITOKAWA et a ramené sur Terre de la poussière de cet astéroïde, une aventure grandiose !

Je vais repasser la parole au Président Olivier BOISARD, Président de l’U3P pour la clôture de la conférence.

Olivier BOISARD, Président de l’U3P :

Merci beaucoup, Professeur KAWAGUCHI.

APPLAUDISSEMENTS.

Je dirai que c’est toujours passionnant de voir un rêve devenir réalité, surtout un rêve qui nous porte à l’U3P depuis maintenant plus de 30 ans. Souvent on nous fait remarquer que les voiles solaires, les vaisseaux spatiaux, font rêver, mais par leur aspect symbolique, par ce qu’elles représentent, on peut parfois y percevoir une dimension supplémentaire, nourrie de racines particulièrement anciennes, je pense particulièrement au nom d’IKAROS, choisi pour ce voilier, ICARE que tout le monde connaît pour avoir voulu étendre ses limites en créant ces ailes qui lui permirent de quitter le labyrinthe, et que l’on connaît moins bien comme étant également l’inventeur de la navigation à voile.

Professeur Junichiro KAWAGUCHI

On a eu la chance de pouvoir lancer ce démonstrateur après de nombreuses années d’essais et tentatives. C’est grâce aussi aux pionniers qui ont travaillé sur cette activité en Europe, en France et aux Etats Unis. Notre succès est celui de toutes les communautés qui s’intéressent aux voiles solaires.

Olivier BOISARD, Président de l’U3P :

La question a été posée tout à l’heure, de l’équipe qui travaillait sur IKAROS et je pense qu’il y a un certain nombre d’entre vous dans cette assemblée qui sont des étudiants. On a souvent communiqué par internet dans le cadre de projets, et je sais que c’est eux aussi qui auront les idées qui nous feront avancer. Je tenais à vous dire que nous sommes toujours prêts à communiquer pour répondre à vos questions sur internet.

Donc bonne chance pour tous ceux qui ont des projets dans l’espace, comme nous en avons également, et encore merci et bravo pour IKAROS et à bientôt pour les prochains lancements de voiles solaires. Merci à vous.

APPLAUDISSEMENTS

Guy PIGNOLET :

Nous avons préparé pour vous tous des maquettes IKAROS à découper et à faire vous-mêmes. On va les mettre sur la table et vous pourrez les prendre en partant.

Egalement, je voulais vous dire que Frédéric BOUSQUET, qui vient de célébrer les voiles solaires avec ses structures sonores avait déjà produit à l’occasion du transit de VENUS, un CD musical, « HORROCKS », du nom du scientifique qui a mesuré la distance entre la Terre et le Soleil. C’est un CD magnifique.

Et pour tous ceux d’entre vous qui se sont inscrits pour un dîner des voiles solaires, je vous donne rendez-vous dans une heure, rue Mabillon, au Bistrot de la Grille Saint Germain. Je rends le micro à Olivier pour les paroles finales.

Olivier BOISARD, Président de l’U3P :

Je voudrais remercier le Palais de la Découverte de nous avoir donné la possibilité de faire cette conférence, et pour finir, avant de partir, nous sommes heureux, Professeur, Junichiro KAWAGUCHI, en vous remerciant infiniment, de vous offrir ce souvenir symbolique : l’affiche de votre conférence.

Merci et bonne soirée à tous.