Ce dossier « Document de référence Demoiselle », ainsi qu’une maquette du micro-satellite, ont été réalisés lors d’un séminaire « conduite de projet » animé par l’U3P, les 17-18 mai 2008 à Amboise.
Document de Référence « Demoiselle »
Séminaire « conduite de projet » du 17-18 mai 2008
Les technologies, en particulier dans le domaine de l’électronique, de l’informatique et des communications, ont considérablement évolué au cours des années 90, rendant possible la réalisation d’engins spatiaux compacts, les microsatellites, pour déboucher dans les années 2000 sur les «pico-satellites» dont les «Cubesats», aux dimensions standardisées, sont une expression particulièrement aboutie.
Au début des années 2000, l’U3P s’est tournée vers des projets de petites voiles solaires aux normes Cubesat, en particulier avec un projet « Libellule », destiné à tester en orbite des systèmes de déploiement par gonflage.
Après une première phase exploratoire, le projet Libellule a évolué vers un projet faisant intervenir un consortium d’entreprises à dimension régionale, le projet « Demoiselle », et un séminaire a été organisé à Amboise pour définir un document de référence pouvant servir de base au développement du projet.
I – LA MISSION
1.1 – Historique et contexte
1.1.1 – La propulsion photonique
Lorsqu’un satellite est placé en orbite autour de la Terre ou autour du Soleil de manière à atteindre une planète, il doit en général réaliser un certain nombre de manœuvre pour conserver son orbite de travail, ou modifier sa trajectoire. Ces manœuvres sont réalisées par des moteurs qui consomment une matière (gaz, liquide) qu’il a fallu mettre en orbite avec le satellite.
Le seul moyen connu à ce jour de ne pas consommer de matière est d’utiliser la lumière du Soleil grâce à une technique appelée « propulsion photonique ». La lumière du Soleil, comme toute radiation, exerce une pression sur les surfaces qu’elle rencontre. Sur une surface plane parfaitement réfléchissante, cette pression est d’environ 10 micro newtons par m², et la force résultante est perpendiculaire à la surface éclairée.
Le photon transfère une quantité de mouvement. Aucun des véhicules envoyés dans l’espace par l’homme n’a, jusqu’à présent, tiré systématiquement parti de cette énergie disponible dans l’espace pour augmenter son domaine d’action.
1.1.2 – Les précédents et l’expérience U3P
Depuis les années 80, l’U3P a conçu plusieurs projets de voiliers solaires qui ont été développés jusqu’à des stades de plus en plus proches de la réalisation :
- la voile Papillon (début des années 80)
- la voile Carrée (autour des années 90)
- la première Libellule (début des années 2000)
- la voile Circulaire (début des années 2000)
L’évolution des technologies et la miniaturisation permettent à ce jour de concevoir un projet dont le dimensionnement, en taille et en masse, qui facilite considérablement les opportunités de satellisation.
1.1.3 – Contexte et ouverture vers le spatial : l’ambition Réunionnaise
L’espace extra-atmosphérique sera un enjeu majeur du 21ème siècle, et les prospectivistes estiment que d’ici 2025 l’activité économique liée au secteur spatial, actuellement de l’ordre de 50 milliards d’euros à l’échelle mondiale, sera multipliée par un facteur de 15. Les progrès scientifiques et le développement des applications qu’ils permettent dans les matériaux nouveaux, les nanotechnologies, les composants électroniques, les technologies de l’information et les transmissions vont stimuler la croissance du secteur spatial, et ensuite, en retour, un grand nombre des technologies développées pour l’exploration spatiale trouveront des applications grand public.
Ces perspectives répondent à des besoins majeurs et permettent également de favoriser le développement durable. Le secteur spatial est d’une importance stratégique pour le développement technologique et la compétitivité économique. Dans la mesure où l’environnement spatial impose des contraintes sévères pour les équipements et pour les consommations d’énergie, ces conditions dures et exigeantes conduisent à développer une fiabilité exceptionnelle, stimulent l’innovation technologique et génèrent des effets catalyseurs pour d’autres secteurs.
L’Europe a affirmé, dans le cadre de la stratégie de Lisbonne, son ambition politique de devenir à l’horizon 2015 la première économie du savoir et de la connaissance.
La Réunion, région exceptionnelle de la France et de l’Europe dans l’Océan Indien, doit se distinguer mondialement dans cette stratégie de Lisbonne. La qualité de ses infrastructures, le niveau de formation de sa population et en particulier de sa jeunesse, formée aux standards européens et internationaux, l’y disposent tout naturellement.
La Réunion a réussi en quelques années à passer d’une économie dominée par l’agriculture à une économie où les parts des secteurs industriels et des services se sont accrues, lui donnant une structure semblable à celle des autres régions françaises et européennes. Dans le cadre d’une économie globalisée où le centre est maintenant partout et la périphérie nulle part, La Réunion a autant d’atouts que n’importe quel territoire européen pour un développement dans les domaines porteurs d’avenir et créateurs d’emplois tels que les biotechnologies, la génomique, la bioinformatique, l’énergie ou encore le spatial…
1.1.4 – Pourquoi être partenaires de la construction d’un satellite ?
Deux leviers permettront aux industriels Réunionnais de se positionner résolument comme acteurs à part entière dans le cadre d’une économie du savoir et de la connaissance : une ouverture internationale pensée et une transition technologique affirmée. La Réunion peut affirmer cette ambition technologique en devenant le moteur du projet de microsatellite «Demoiselle» proposé par les Réunionnais de l’U3P et en construisant un satellite régional symbolique qui permettra aux industriels Réunionnais :
– de montrer à l’extérieur, comme à tous les Réunionnais «La Réunion – Terre de hautes technologies et des savoir-faire de pointe», et d’asseoir ainsi la lisibilité et l’attractivité de La Réunion dans sa dimension nationale, européenne et mondiale,
– de pénétrer et d’intégrer des réseaux internationaux de haute technologie, en particulier dans le domaine du spatial, et d’asseoir ainsi leur visibilité et leur crédibilité internationale car l’accès à l’espace est un bonus politique et économique, à la fois une preuve de maturité et une possibilité d’obtenir des avantages.
– de contribuer aux activités spatiales en devenant des acteurs technologiques et non plus simplement collecteurs ou consommateurs des données en provenance de l’espace, en mettant concrètement et symboliquement «la main à la pâte», au travers du capteur de température embarqué par Demoiselle, dans les problématiques du changement climatique global et dans les outils d’une meilleure connaissance de notre environnement.
«Demoiselle» sera à la fois le symbole et la concrétisation de l’ambition des industriels Réunionnais et de La Réunion à se projeter résolument dans le 21ème siècle.
1.2 – Objectifs de la mission
Le principal objectif de ce programme «voile solaire» de l’U3P est de procéder à la mise à poste et au déploiement des voiles, phase critique d’un programme plus ambitieux utilisant la propulsion photonique.
Un autre objectif est d’obtenir des images du voilier et de la Terre, et de procéder à des mesures de température de la surface terrestre et de les transmettre au sol.
La mission doit aussi permettre à des industriels de s’investir dans la réalisation matérielle du voilier et d’acquérir ainsi une compétence pratique dans le domaine des activités spatiales.
1.3 – Déroulement de la mission
1.3.1 – Lancement et mise à poste
Cela dépendra des opportunités offertes par les différents opérateurs à bord des différents lanceurs (européens, russes, états-uniens, indiens, japonais…), l’objectif privilégié étant d’obtenir une place gratuite.
1.3.2 – Mise en configuration du voilier
Le voilier replié se présente sous la forme d’un parallélépipède rectangle de 10 X 10 X 30 cm de type CubeSat transporté par un conteneur standardisé P-Pod, agréé par les agences spatiales.
1.3.2 – Déploiement
Après libération du CubeSat toutes les opérations se déroulent selon un programme automatique :
-activation du système électrique,
-activation de l’ordinateur,
-déploiement des mâts-antennes,
-activation des caméras vidéo et des senseurs thermiques,
-ouverture des panneaux latéraux,
-déploiement des voiles pliées par procédé pneumatique.
II – LE SYSTÈME
2.1 – Pilotage
Pas de pilotage – stabilisation passive par gradient de gravité.
2.2 – Liaisons
2.2.1 – Fonctions
Le système de liaisons doit permettre d’échanger des informations entre le bord et le sol de manière à transmettre au sol les informations techniques, les mesures de températures et des images du voilier et de la Terre.
2.2.2 – Choix des fréquences
Les liaisons radio sont d’une importance majeure pour le succès de la mission. Le choix est donc fait de rechercher des accords de participation avec des réseaux terrestres classiques, garantissant la disponibilité et les performances requises.
La bande utilisée est la bande des radioamateurs.
2.2.3 – Permanence des liaisons
Une liaison ne peut être établie que si :
-le véhicule est en visibilité directe d’une station terrestre, la direction station-véhicule‚ étant au minimum à 5 degrés au-dessus de l’horizon,
-l’attitude de la voile est telle qu’une des antennes émettrices de bord voit la station terrestre à l’intérieur d’une certaine zone,
-le bilan de liaison est suffisant.
2.3 – Expression des contraintes
2.3.1 – Configuration de lancement (le P-Pod)
Le conteneur du satellite, qui assure l’interface avec le lanceur, est de type P-Pod standard.
2.3.2 – Mise en configuration de vol (le CubeSat)
Le voilier est compacté dans un module de type CubSat qui sera éjecté par un P-Pod.
2.3.3 – Contraintes thermiques
La régulation thermique doit assurer une répartition de température propre au bon fonctionnement du véhicule. Les températures de fonctionnement de l’électronique sont en général comprises entre -10 et +50 °C , les températures de stockage entre -25 et +60°C . Pour les batteries, ces fourchettes sont respectivement (-5 à +20°C) et (-20 à +50°C).
2.3.4 – Contraintes des télémesures
-transmettre les informations technologiques (températures, tension des batteries),
-transmettre les mesures des capteurs de température du globe terrestre,
-transmettre les images des caméras.
2.3.5 – Contraintes de gestion du bord
Le système gestion bord a pour tâche de :
-séquencer la mise en configuration du satellite et le déploiement des voiles,
-gérer les caméras, les capteurs, et l’émetteur.
2.3.6 – Contraintes de gestion de l’énergie
Le système d’énergie bord doit satisfaire les besoins des différents équipements, lissés à une moyenne de 2 W. Cette énergie provient exclusivement du rayonnement solaire.
La présence de batteries à bord est nécessaire, compte tenu :
-d’événements demandant une pointe de consommation,
-des conditions d’ensoleillement variables, depuis un maximum jusqu’aux éclipses totales pendant lesquelles un minimum d’énergie est nécessaire pour assurer la poursuite de la mission.
Le système d’énergie bord comporte donc :
-deux générateurs solaires fournissant jusqu’à 5 W situés sur deux faces opposées,
-un système de batteries rechargeables,
-un système de régulation et de distribution de l’énergie aux différents équipements.
III – LE VÉHICULE
3.1 – Architecture générale
Le véhicule est constitué d’une « poutre » centrale contenant les mâts-antennes, l’émetteur, l’alimentation et le stockage électrique, l’ordinateur et deux compartiments latéraux renfermant les voiles pliées.
3.2 – Sous-Systèmes
3.2.1 – Voile
Le matériau choisi est le Kapton 8 micromètres aluminisé deux faces et renforcé par un maillage de rubans du même matériau en prévision d’utilisation sur des projets ultérieurs.
Le choix du Kapton est guidé par les raisons suivantes:
-bonne tenue aux radiations ionisantes (jusque 5.10E+9 rads),
-bonne tenue thermique (250°C en utilisation continue)
3.2.2 – Télémesure
La solution retenue consiste à utiliser la bande radioamateurs.
-le système comporte un émetteur et deux antennes fouet,
-la puissance émise est de 10 W,
-le système télémesure doit pouvoir fonctionner en mode économique intermittent.
3.2.3 – Énergie
Le système énergie bord comporte des panneaux solaires, une batterie d’accumulateurs, une électronique de régulation et de distribution, et le câblage.
Les faces solaires sont garnies de cellules photovoltaïques assurant environ 5 W pour un éclairement normal à la surface et environ 3 W pour une incidence du Soleil de 70 degrés.
L’électronique de régulation assure la recharge des batteries, et une distribution régulée et programmée de l’énergie aux différents équipements.
3.2.4 – Contrôle Thermique
Le contrôle thermique est passif, la conduction au sein des structures assurant un équilibre thermique.
IV – LE SEGMENT SOL
4.1 – Le Centre de Réception et d’Information
Un Centre de Réception doit être établi, où sont reçues les images des caméras de bord et les données des télémesures.
Il peut être nécessaire, lorsque le voilier n’est pas en visibilité directe du centre principal, de disposer de stations auxiliaires pour relayer les liaisons.
V – L’EXPLOITATION
Au-delà de l’observation du déploiement, les points essentiels de l’exploitation seront l’interprétation des mesures de température et la valorisation des participants au projet.